CONSERVATION DE LA NATURE INTEGREE DANS LES SYSTEMES D'EXPLOITATION AGRICOLE :

L'EXPERIENCE ET L'APPROCHE DE LA LPO

Jean-Jacques Blanchon


Organisation non gouvernementale, de dimension nationale, dont l'objet est la conservation des sites naturels et des populations d'oiseaux dans leur environnement (naturel, culturel et social), la LPO intervient localement dans l'espace rural et les systèmes d'exploitation agricole en vue du maintien ou de la restauration du statut de conservation d'espèces ou d'habitats naturels remarquables ou menacés.

Il s'agit pour elle d'expérimenter des solutions pour élaborer des techniques transposables en termes de références à d'autres partenaires de la gestion de l'espace rural. Ces actions, dont l'objectif premier est toujours la conservation de la nature, contribuent dans des domaines variés à la valorisation durable de la nature, des ressources et des territoires difficiles, marginaux ou délaissés.

Tous les outils disponibles sont alors utilisés dans le domaine de la maîtrise foncière et d'usages, des lois, règlements et pratiques. Les méthodes et les choix des outils sont adaptés en fonction des stratégies de conservation, du contexte local, des partenaires jugés indispensables à la réussite de ces actions.

L'action de la LPO dans ce domaine a longtemps été essentiellement d'inciter l'Etat à créer progressivement des outils assurant les conditions de la survie de l'avifaune sauvage :

- réglementation cynégétique adaptée aux menaces pesant sur les espèces en déclin (premier arrêté de protection en 1962) ;

- création des premières réserves de chasse maritime et fluviale en 1972 ;

- création du Conservatoire du Littoral en 1975 et vote de la loi sur la protection de la nature par le Parlement en 1976 (nouvel élan à la création des réserves naturelles).

A partir des années 1980, la LPO a éprouvé le besoin de jouer le rôle de conservatoire d'espaces naturels après avoir fait le constat que nombre d'oiseaux et d'habitats menacés n'étaient effectivement pas protégés par des mesures réglementaires, de maîtrise foncière ou d'usage.

C'est ainsi qu'elle a entrepris des actions, certes ponctuelles, mais démonstratives et correspondant à des enjeux nationaux et européens de conservation de la nature (espèces mondialement menacées, liste rouge, Annexe Directive Oiseaux, ZPS, RAMSAR...) (18 000 ha en 1998).

Mais là où la LPO est novatrice, c'est moins dans l'action foncière que dans la politique de gestion de ces espaces à vocation agricole. Elle a fortement engagé les agriculteurs à devenir des acteurs de la gestion de son patrimoine naturel et à revaloriser leur travail dans ces zones difficiles.

Des concepts nouveaux à la fin des années 80 -réduction des loyers (baux agricoles), des charges fiscales sur le foncier, primes compensatrices au regard des pratiques favorables au maintien des biotopes et des espèces (fauche retardée, maintien d'inondation, chargement animal,...) - sont devenus réalités par l'action conjuguée des naturalistes et des agriculteurs. Ces quelques mesures ont considérablement changé l'économie des exploitations agricoles (essentiellement d'élevage) en zones d'intérêt écologique.

Nombre d'espèces sont liées aux espaces agricoles en dehors des espaces protégés. La LPO s'engage alors, en étroite relation avec les acteurs ruraux, dans des programmes européens et nationaux pour développer une agriculture respectueuse de l'environnement ou restaurer des milieux dégradés.

L'utilisation des systèmes d'exploitation agricole existants dans la conservation des biotopes et des espèces d'oiseaux est illustrée par quatre expériences :

n les Basses Vallées Angevines (département du Maine et Loire), vastes étendues inondables de 4 500 ha, situées au nord et au sud immédiat d'Angers constituées de prairies inondables exploitées par la fauche et le pâturage tardif ; le Râle des genêts espèce mondialement menacée y présente des effectifs importants (40 % de la population française) ;

n les marais de l'Ouest, y compris le Marais Poitevin (département de la Vendée), avec la revalorisation de l'élevage dans les prairies naturelles humides dans le contexte des systèmes d'aide aux cultures, à l'intensification et au drainage (PAC et lois d'orientation agricole) ;

n les jachères et pelouses calcaires de Montreuil-Bellay ; camp militaire abandonné (département du Maine et Loire) avec la réintroduction d'un parcours ovin pour la restauration d'un biotope rare et sensible pour l'Outarde canepetière ;

n les marais périurbains de la ville de Rochefort (département de la Charente-Maritime) avec la réinstallation d'agriculteurs en vue de la restauration de prairies naturelles en déprise agricole et abandonnées par mutation d'activités (fermeture d'une base aéronavale et urbanisation).

A partir de 1991, elle contribue à l'application expérimentale (dans 5 régions) en France du programme agri-environnemental, issu du règlement 2078/92 de l'Union Européenne qu'accompagne la réforme et la Politique Agricole Commune. Il comprend 7 mesures dont les Opérations Locales Agriculture-Environnement.

Ce programme étendu, créé en 1993, remporte un franc succès. Les mesures agri-environnementales concernent en France 15 000 à 20 000 agriculteurs. Il repose sur le volontariat des agriculteurs, un partenariat, solide et négocié entre le monde de l'environnement et le monde agricole qui n'avait jamais eu lieu jusqu'alors et sur la notion de territoire ou de région naturelle à forte problématique environnementale.

Avec 120 millions de F/an, les mesures agri-environnmentales (MAE) pèsent un coût plutôt faible au regard des bénéfices qu'elles apportent pour la pérennité de l'agriculture en zone difficile, le maintien des communautés rurales et la préservation de l'environnement.

La LPO est membre du Comité National Agriculture Environnement et de plusieurs comités régionaux (CRAE). Elle édite une lettre d'information Agri-Environnement Infos (tirage 2 000 exemplaires).

L'application des mesures agri-environnementales a permis de montrer qu'il est possible de concilier les impératifs économiques de l'agriculture et les exigences sociales de protection de l'environnement (contrat libre et négocié, incitation et engagement répondant à un objectif environnemental).

C'est également la première fois que des exploitants agricoles qui poursuivent des activités compatibles avec la sauvegarde de l'environnement sont récompensés par des aides publiques. Les OLAE (ESA scheme) ont contribué à atteindre deux objectifs :

n des objectifs socio-économiques :

- lutte contre la déprise

- maintien de l'agriculture qui entretient des paysages ruraux ;

- contribution significative du revenu agricole des exploitants et des territoires les plus défavorisés

n des objectifs écologiques :

- préservation des sites et paysages naturels de nombreuses régions françaises ,

- sauvegarde d'espèces animales et végétales menacées ;

- protection des ressources naturelles (sol, eau...)

Les mesures agri-environnementales constituent pour la France une expérience et une réponse à la future PAC qui devra concilier production agricole, avenir social du monde rural et protection de l'environnement.

Toutefois, les nouvelles mesures, pas plus que le simple renouvellement des opérations telles qu'elles sont prévues au budget de l'agriculture (1998) ne peuvent se mettre en place faute de moyens financiers (augmentation nécessaire du budget des OLAE de l'ordre de 120 MF à 200 MF).

Une des conséquences sur le monde agricole de cette situation est de redonner vigueur aux politiques d'irrigation et de transformation des milieux naturels pour produire des céréales plus rémunératrices. Ces réflexes, légitimes du plan économique mais catastrophiques au plan écologique (perte d'habitats naturels, disparition d'espèces menacées, aggravation de la pollution de l'eau, ...) sont essentiellement liés aux systèmes de primes et des mesures budgétaires extrêmement défavorables aux éleveurs.

En définitive, ce sont eux qui influencent durablement les orientations des exploitations et la perte d'identité des territoires dans leur ensemble.

De nouvelles orientations de la Politique Agricole Commune vers une " Politique rurale commune " avec des bases communes de prise en compte des critères environnementaux (biotopes, paysages, eau, biodiversité, qualité, ...) plus équilibré en faveur des systèmes d'élevage sont plus que jamais nécessaires.



Critères de fréquentation et d'usages

des marais communaux du marais Poitevin (85) :

Année 1996


Communes

Surface du communal (ha)

Surface fauchée (ha)

Chargement instantané

Bovins

Têtes

Chevaux

Têtes

Utilisateurs

St Benoît s/Mer 87 40 1.21 31 16 3
Curzon 294.22 0 1.35 473 5 19
Lairoux 245.07 0 1.58 444 48 21
Chasnais 73 0 1.07 108 2 8
Magnils Reigniers 232.52 0 1.33 356 27 27
Nalliers 106 0 1.40 173 14 12
Le Poiré s/Velluire 249 0 1.55 422 20 26
Montreuil 67 0 1.60 137 1 12
Nbre d'ha fauchés 40
Total têtes 2 154 133
Total animaux 2 285
Total utilisateurs 128
Total surface 1 354

(Sources : Parc Interregional du Marais Poitevin, D. NAUDON, 1998)

Caractéristiques de la fréquentation

et des usages pour les équidés :

Années 1990 - 1991 - 1992

Année

90

91

92

Commune

Surface

Nbre de têtes

Utilisateurs

Nbre de têtes

Utilisateurs

Nbre de têtes

Utilisateurs

Curzon 299 ha 12 3 8 3 4 2
Lairoux 245 ha 32 9 45 11 32 9
Chasnais 73 ha 2 1 3 1 2 1
Les Magnils Reigniers 232 ha 12 7 37 9 43 9
Nalliers 106 ha 19 7 22 8 14 6
Le Poiré sur Velluire 249 ha 19 18 20 20 43 20
Montreuil 67 ha 5 2 2 1 7 3
Totaux têtes 101 146 145
Totaux utilisateurs 47 53 46
Moyenne animaux/utilisateurs 2.1 2.7 3.1
Total surface 1 354

(Sources : Parc Interregional du Marais Poitevin, D. NAUDON, 1998)


Ventilation des races équines

Commune

Poitevin

et apparentés

Cob

Anglo-arabe

Trotteur français

et croisements ½ sang

Poney simple

et double

Curzon 4 - - -
Lairoux - - 6 26
Chasnais - 2 - -
Les Magnils Reigniers 1 - 14 28
Nalliers 4 3 6 1
Le Poiré sur Velluire 2 3 38 -
Montreuil 2 2 3 -
TOTAUX 13 10 67 55

(Sources : Parc Interregional du Marais Poitevin, D. NAUDON, 1998)


Jean-Jacques BLANCHON

Responsable du Service Conservation et Espaces Naturels

Ligue pour la Protection des Oiseaux

La Corderie Royale - BP 263

17305 ROCHEFORT CEDEX

Tél. : 05 46 82 12 54 - Fax : 05 46 82 12 50
E-mail : LPO-BirdLife@A2I-micro.Fr


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